Dimanche, le 19 novembre 1944.
Calme absolu. Au loin, en direction de Belfort, tir soutenu d'artillerie.
Lundi, le 20 novembre 1944.
Saint-Louis nous passe téléphoniquement la nouvelle surprenante, de l'entrée des Français. Vers 17 heures le Landrat Eiermann et l'Oberinspektor Knuppert arrivent à pied et en fuite précipitée de Mulhouse, annonçant que les Français viennent d'y entrer. Ces deux sont immédiatement suivis du Wehrbezirkskommando Mulhouse, accompagné de l'Oberst Heiermann. Tous se réfugient dans une salle de classe. A partir de 20 heures les communications téléphoniques sont interrompues.
Mardi, le 21 novembre 1944.
Le Wehrbezirkskommando et le Stab 989/E P 06.761 procèdent à la disposition de quelques grosses pièces d'artillerie, en vue de la défense. A la Mairie les militaires sont instruits dans la manipulation de la Panzerfaust. Dans la matinée vives canonnades des deux côtés. A 2 heures de l'après-midi l'observation, postée au haut du clocher, signale l'apparition de deux chars blindés français sur le pont de Ruelisheim. Les Allemands sont affolés. Instantanément le Landrat « met les voiles » à bicyclette. Vers le soir suspension du courant électrique : câbles coupés. Par suite du manque de courant le rationnement de l'eau potable s'impose. A partir du lendemain sa distribution n'aura lieu qu'entre 8 et 9 heures 30 du matin et de 17 à 18 heures 30 le soir. En cas d'incendie on se servira du contenu de la Dollerbächlein, endiguée en hâte. La Schutzpolizei, effectif de cinq hommes partis à 10 heures dans l'automobile de la commune.
Jeudi, le 23 novembre 1944.
Tir intense de tous côtés. On en prend l'habitude. Le Wehrbezirkskommando quitte pour Colmar. Le S.A.-Führer Froeschäuser s'occupe du transfert de certaines familles allemandes et de P.G. (Parteigenossen) en direction de Bade via Colmar. Visite du Kreisleiter de Guebwiller. Communication par ce dernier que Wittenheim relèverait, dès à présent, concernant l'administration et le ravitaillement, de la ville de Guebwiller. Il s'empare, à la fabrique Kullmann d'un certain stock d'essence, et de six pneus.
Vendredi, le 24 novembre 1944.
Des sinistrés, rue Schoenensteinbach, signalent l'endommagement de leurs maisons par obus. Le Bürgermeister et l'Ortsbauernführer se rendent à Guebwiller aller quérir du charbon, des pommes de terre, de la farine, etc. Cependant toute l'administration de cette ville ayant décampé sur l'annonce que Strasbourg serait entre les mains des troupes françaises, le résultat fut néant. Toute la journée tir intense d'artillerie, de chars, de mitrailleuses. Appel municipal à la population de garder sang froid et d'être avare avec les denrées alimentaires restantes et l'eau.
Samedi, le 25 novembre 1944.
Le canon tonne nuit et jour. Une commission composée de la municipalité, de délégués miniers et de divers électriciens cherchent à résoudre le problème de l'éclairage électrique moyennant l'alimentation du côté d'Ensisheim ou de Wittelsheim. Efforts vains. Temps pluvieux, très mauvais, interdisant opérations de guerre de grande envergure. Pénurie de charbon. Distribution de 50 kilos aux familles privées de la moindre réserve. Les ordures sont ramassées pour la dernière fois. Installation, dans l'école des filles du Luftgaupostamt Wiesbaden L 13.154, signe de mauvais augure. Dans la nuit de samedi à dimanche, arrivée, via Illzach, d'un Polizeimeister accompagné d'une foule de Politischen Leitern, de gens blessés, et d'infanterie, tous évadés d'une caserne de Mulhouse. Le premier, très mal sur ses jambes, reste, les autres poursuivent leur route en direction d'Ensisheim. Emplacement, dans la rue des Bonnes-Gens, d'une batterie de gros calibre. La population est extrêmement énervée. Multitude viennent se réfugier dans la cave de la Mairie. Des troupes allemandes affluent. Grande activité dans l'air.
Dimanche, le 26 novembre 1944.
Arrivée, vers 10 heures du soir de trois cheminots rentrant de l'Allemagne du Nord, où ils avaient eu connaissance par radio-diffusion, de la prise de Mulhouse leur ville de résidence. Ils sont forcés de rester chez nous. Ouverture du feu dans la rue des Bonnes-Gens. Les Français ne ripostent pas.
Lundi, le 27 novembre 1944.
Des observateurs allemands s'étant postés sur le sommet du crassier de la Mine Fernand, Les Français tirent dessus. Tir très précis. Les Allemands délogent promptement de leur box aérien. Toute la journée arrivée de nouvelles troupes. Des soldats allemands évadés de Mulhouse font quartier à Théodore. Seize hommes blessés au cours de cette évasion ont dû être transportés par attelage dans l'hôpital d'Ensisheim. L'éclairage électrique fait toujours défaut.
Mardi, le 28 novembre 1944.
Nuit relativement calme. A 22 heures foules d'avions traversent la région. « Sapins » visibles au-dessus du « Werkhof ». Après-midi de 16 à 17 heures tir français intense sur la cité Anna.
Mercredi, le 29 novembre 1944.
Nuit très troublée de même que la matinée. Vers 11 heures emplacement de 15 canons quartier Roller-Kirstetter, rue de Schoenensteinbach. A 16 heures violent tir de Shrapnells du côté français.
Vendredi, le 1 décembre 1944.
Toute la journée averse d'obus et de Shrapnells. Réquisition de 700 kilos de carbure d'éclairage. Démarche auprès du meunier de Battenheim en vue d'obtenir de la farine. Jusqu'à maintenant nous réussissons d'obtenir du lait de Ruelisheim pour enfants, vieillards et malades. A partir d'aujourd'hui distribution d'eau potable seulement de 10 à 13 heures. Manque d'huile pour la pompe Diesel.
Samedi, le 2 décembre 1944.
Durant toute la nuit feu intense d'artillerie. Nouvelle démarche au moulin de Battenheim. Des lits dits « Luftschutzbetten » sont installés dans la cave de la Mairie. La Kreisleitung exige la passation des tracteurs appartenant aux cultivateurs et à la commune. Réponse de la municipalité : Tous les engins en réparation â Mulhouse. De 16 â 17 heures Wittenheim-village bombardé. Une batterie allemande, rues du Bourg et Bonnes-Gens mise en pièces. Gros bombardement de la Cité Anna.
Lundi, le 4 décembre 1944.
Kampfkommandant Luft fait savoir que toutes les forces masculines de la localité auraient à se présenter, munies de pelles et de pioches, cet après-midi à 2 heures. Résultat : pas un homme.
Mardi, le 5 décembre 1944.
Ordre : Immédiatement trente hommes à la disposition du Kampfkommandant Luft. Rien ne bouge.
Mercredi, le 6 décembre 1944.
Dernier avertissement d'un HauptmannKommandant, de résidence à Munchhouse, de fournir immédiatement au Kampfkommandant Luft la main-d'œuvre demandée, sinon village entier, fautif comme saboteur, portera les conséquences.
Lundi, le 11 décembre 1944.
Distribution des premières cartes de denrées alimentaires improvisées sur place (période du 11décembre 1944 au 7 janvier 1945).
Mardi, 12 décembre 1944.
A la réquisition de pommes de terre dans la ferme Schoenensteinbach malgré terrible bombardement.
Jeudi, le 14 décembre 1944.
Première perception d'une faible quantité de farine du moulin de Battenheim. Le Kampfkommandant demande le permis de circuler aux civils entre 19 heures au soir à 7 heures du matin. La commune écrit au Landkommissar lui demandant des vivres.
Samedi, le 16 décembre 1944.
Dès à présent deux à trois fois pendant la semaine perception de farine du moulin de Battenheim. Le Ortskommandant ordonne par écrit la désaffectation des voitures automobiles-pompiers des mines pour la mise à la disposition de la commune. De même pour deux camions et deux voitures de tourisme, destinés au transport de vivres et de malades.
Lundi, le 18 décembre 1944.
Le Kampfkommandant de Richwiller demande également 40 hommes pour des travaux de fortification. La Mairie lui communique l'impossibilité de l'exécution de cet ordre. Réquisition, à la fabrique Kullmann, de quelques centaines de feuilles de tôles noires, destinées à la réparation provisoire des maisons les plus fortement endommagées. Hébergement, malgré défense absolue, d'évacués de Bourtzwiller.
Mardi, le 19 décembre 1944.
Ordre est donné à Illzach d'évacuer.
Mercredi, le 20 décembre 1944.
Hébergement de plusieurs familles d'évacués d'Illzach.
Jeudi, le 21 décembre 1944.
Landkommissar Eiermann, Müllheim, communique : instance de Korüth à Neuf-Brisach, responsable de l'alimentation en vivres de la région de Mulhouse. Wittenheim, Kingersheim déclarées communes nécessiteuses (Bedarfsgemeinden) ; Battenheim, Baldersheim, Ruelisheim communes livrancières (Liefergemeinden). Entre 16 et 17 heures bombardement de la place Kullmann.
Samedi, le 23 décembre 1944.
Les autorités civiles locales sont sommées de conduire devant le Ortskommandant tous les civils étrangers séjournant plus de six heures dans la localité. Toutes les maisons et tous les abris doivent porter en forte apparence les listes compléter des abrités. Le moulin de Battenheim reçoit ordre du Landkommissar Colmar, exécutant du C.d.Z., de fournir dans la période du 24 au 31 décembre 1944 aux communes de Kali quarante tonnes de farine, sinon confiscation globale de l'établissement. Aux commerçants est signalé que toute réquisition de la part des militaires serait interdite et que le moindre abus cela concernant serait à signaler.
Dimanche, 24 décembre 1944.
Veille de Noël. Pas de messe de minuit. En remplacement un bref office à 17 heures. Dans le sous-sol de la Mairie petite cérémonie religieuse. Petit arbre de Noël. Distribution de pommes aux petits qui chantent des cantiques. Ce matin la bibliothèque municipale est dévalisée par le Hauptmann Schutz, Gen.-Komm. 63 A.-K.-Stalb Peters, et enlevée par camionnette.
Jeudi, le 28 décembre 1944.
Secrétariat du Kampfkommandant Ehret à partir du jour à la Mairie. Son ancien poste, restaurant Meyer, démoli par obus. Continuel tir d'artillerie sur notre village. Destruction complète du quartier place du Marché, et de presque tous les lieux ayant servis de repaire aux unités allemandes (restaurant Schmitt, restaurant Scherrer, restaurant. BaecherHoll, immeubles Gutknecht, etc..
Vendredi, le 29 décembre 1944.
Nous cherchons des pommes de terre à Ruelisheim malgré bombardement des lieux.
Lundi, le 1 janvier 1945.
Nouvel an. Nuit mouvementée. Dans la matinée colonie Fernand-Anna sous tir. Deux enfants blessés à mort.
Mardi, le 2 janvier 1945.
Différentes unités quittent les écoles et le château d'Alaize. Un indescriptible état des lieux. Tir d'artillerie sans relâche ; apparition d'un délégué de la « Partei », -du Gefreiten Dierdorff, de profession civile « Parteiredner » pour le redressage des listes H.J. et B.D.M., afin de la mise en valeur sur le « Brückenkopf-Elsass ». Mulhouse occupée, il travaille avec Guebwiller. Landkommissar Eiermann vient procéder à la paie de diverses rentes moyennant une somme de 50.000 RM.
Mercredi, le 3 janvier 1945.
Le Bürgermeister va trouver le Landrat à Guebwiller afin d'obtenir des subventions diverses. Denrées alimentaires de ce côté : néant. Actuellement 250 grammes de pain par journée, et 250 grammes de viande par semaine. Nouveaux renforts de troupes.
Jeudi le 4 janvier 1945.
Deuxième sortie de cartes alimentaires pour la période du 8 janvier au 4 février 1945. La liquidation de la correspondance entre Administration et Commune se fait par la « Feldgendarmerie » Ensisheim. Son rythme s'adapte aux faits du jour.
Vendredi, le 5 janvier 1945.
Visite du Landkommissar Eiermann. Promet d'envoyer des vivres. Vifs mouvements de troupes.
Samedi, le 6 janvier 1945.
Visite du Oberscharführer Scheppmann et de deux autres « Go1dfasanen ». Bürgermeister absent. Veulent savoir quand et pourquoi les portraits du Führer avaient été enlevés dans les différents locaux de la Mairie. De répondre : Il se peut qu'ils aient suivi le parti le jour où il a couru tellement vite en direction de Colmar. Sur quoi les trois de quitter immédiatement !
Dimanche, le 7 janvier 1945.
Malgré tir intense, dix tonnes de sucre d'Illzach par attelage et camions militaires. Distribution en sera faite à la population et aux évacués. Chargement à Illzach sous pluie d'obus.
Lundi, le 8 janvier 1945.
Tir soutenu, Plusieurs ouvriers, employés aux travaux de tranchées, blessés par Shrapnells et transférés à l'hôpital d'Ensisheim.
Mardi, le 9 janvier 1945.
PP 08.002 B signale que 50 ouvriers auraient manqué à l'appel aux travaux de fortification. La « Feldgendarmerie » en a été avertie. Les sanctions seront sévères. Ce jour relevé du combustible à la Cité Fernand-Anna en vue d'une répartition équitable du charbon. Village, Cité Kullmann et Cité Sainte-Barbe suivront.
Mercredi, le 10 janvier 1945.
Classe 1928 doit se rendre immédiatement au « Wehrertüchtigungslager » prés de Hartmannswiller. Quelques jeunes se présentent. En route ils fichent le camp. Les travaux de fortifications englobent tous les secteurs de Wittenheim.
Vendredi, le 12 janvier 1945.
Installation du Gendarmerieposten d'Ensisheim, longuement annoncé, dans la maison de l'ancienne « Schupo ».
Samedi, le 13janvier 1945.
Le froid succède à la pluie. Le thermomètre enregistre - 10° C. Évacués de Sausheim, Illzach et Bourtzwiller, réfugiés à Kingersheim, forcés de quitter les lieux. Certains restent chez nous. La misère est générale. FP 02.477, Oberleutnant Fischer, donne ordre de faire évacuer, jusqu'à ce soir 8 heures, tous les abris du Carreau de la Mine Fernand. Les civils ayant pu y trouver refuge jusque-là, feront place aux militaires. Un « Gefechtsstand » haut de 60 hommes, chez Ropp, rue de Schoenensteinbach. En évacués-réfugiés nous comptons ce jour : 88 de Mulhouse, 250 d'Illzach, 250 de Bourtzwiller, 3o de Sausheim, 12 de Pfastatt et 15 de Lutterbach.
Dimanche, le 14 janvier 1945.
Messe à l'école des garçons. Après-midi bombardement massif du quartier Gégauff-Kirstetter-Adelbrecht. Un employé communal ayant été désigné d'aller chercher du bétail à abattre à Reiningue, apporte la nouvelle de l'évacuation de ce village. Le front passant là, les écuries étant vides, il rentre sans résultat.
Lundi, le 15 janvier 1945.
Épais brouillard toute la journée. Un peu avant midi terrible bombardement par avions de la Mine Anna. Une bombe gros calibre se plaçant entre le cimetière et les bains municipaux laisse un cratère de douze mètres de diamètre et de 3 mètres 75 de profondeur. Une autre de moindre envergure a failli soulever la maison Fischer, ferblantier. Un homme grièvement blessé prés du cimetière est transféré â l'hôpital de Neuf-Brisach. . Les dommages causés à la Mine Anna sont évalués à 15.000.000 RM. La terreur règne. Malades et blessés sont forcés d'attendre une occasion de transfert à Neuf-Brisach.
Mardi, le 16 janvier 1945.
Démarches communales à Guebwiller en quête de viande. Le Bürgermeister, désigné comme acheteur pour Wittenheim et communes avoisinantes. Apporte 2.000 paquets de cigarettes. Feu intense toute la journée, surtout sur Cité Kullmann. Courrier spécial de Guebwiller avec ordre de mise à disposition, pour le 18 janvier 1945 de 300 hommes, entre 30 et 6o ans, à désigner comme conducteurs de véhicules pour le Altreich. Établissement de listes nominales exigé. Bergrat Graf réapparaît sur les lieux, apportant une somme de 90.000 RM. devant servir à la paye du personnel du groupe Fernand-Anna.
Mercredi, le 17 janvier 1945.
Depuis la prise de Mulhouse les quantités de farine ramassées à Battenheim et Richwiller moyennant attelages, conduits sur ordre communal, s'élèvent à 83.600 kilos. En viande il a été distribué 17.500 kilos, en sucre 10.000 kilos.
Jeudi, le 18 janvier 1945.
Dans les dernières journées il a été relevé, moyennant attelages dans l'usine Ringenbach Illzach, malgré tir continu, 1.000 kilos Maïzena, 1.500 kilos fécule, 1.100 kilos café (Ersatz). Une distribution doit avoir lieu lundi. Courrier spécial de Guebwiller vient demander les listes des 300 hommes-conducteurs. Listes ne sont pas prêtes.
Vendredi, 19 janvier 1945.
Durant toute la journée tir intense. Kampfkommandant Reiny fait savoir que des 300 hommes nécessités pour ses travaux de fortifications il n'en était apparu que 45. Sera signalé à la Division. Suites inconnues.